Depuis le milieu de 18e siècle, les nombreuses découvertes scientifiques fondamentales n’ont cessé de produire des innovations techniques qui ont transformé en profondeur le monde autour de nous, façonné nos sociétés et modifié nos perceptions.
Le siècle de Lumières qui a catapulté nos sociétés dans la modernité nous a laissé un lourd héritage : une confiance illimitée et aveugle dans la science. Dans nos sociétés modernes, cet héritage révèle un intérêt incommensurable dans ce que la science apporte et non pas dans ce qu’elle raconte.
Jean-Marc Levy-Leblond fait savoir que :
“La continuité même d’une activité de recherche scientifique fondamentale, non orientée vers le profit immédiat et non contrôlée par le marché est désormais en question”Les sociétés modernes ne sont pas intéressées par la science pour ce qu’elle permet d’apporter en termes de connaissances, mais par sa capacité de transformation en innovations, autrement dit, sa capacité à créer de la croissance, de la richesse.
Dans un discours en 2002, Georges Bush “junior” déclare :
“La croissance économique est la clé du progrès environnemental, parce que la croissance fournit les ressources permettant d'investir dans les technologies propres, la croissance est la solution, non le problème”L’échec du développement durable n’invalide-t-il pas ce discours ? Pensé initialement pour concilier croissance et écologie, ses promesses n’ont pas pu être tenues. Le développement durable a abouti à plus d’innovations, un accroissement de la production et la création de nouveaux besoins... Il n’a pas été capable de répondre à la question principale et essentielle, concilier croissance et exploitation des ressources. La croissance verte n'est qu'emprise médiatique ?
Einstein l'avait déjà dit :
“On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème”.Nous devons donc changer notre mode de pensée pour réussir à résoudre le problème !
Bachelard aussi dit la même chose quand il dit :
“penser, c’est penser contre son cerveau”....Une révolution intellectuelle, comment ça fonctionne ?
La croissance économique apporte dans son sillage une transformation du monde dans lequel nous vivons et une dégradation du monde dans lequel nous ne vivons pas...
Toute action est transformation, tout travail vise à transformer.
C’est inévitable, prévisible et manifestement incompatible avec la modernité. C’est le prix que nous payons pour être modernes !
Annonces : L’Union européenne devient en 2020 “l’union de l’innovation” en remplacement de “la société de la connaissance” (avec le traité de Lisbon).
Une société qui a fait de l’innovation son projet d’avenir offre-t-elle de meilleures perspectives, un progrès humain ?
“je ne crois pas que le français du XXe siècle, soit supérieur à l'Athénien, du 5e av. J.-C., il n’y a en réalité pas eu de progrès humain, il y a des progrès dans notre entourage des progrès dans nos moyens, etc. Ce qui est très curieux c'est de voir qu'en définitive on vit dans une société qui se conçoit comme une société de progrès à l’infini”. Jacques EllulComment quantifier ou mesurer le bien-être, l’altruisme, la progression des valeurs ?
“Nos sociétés [...] mesurent le progrès matériel à l'augmentation de la production, en volume et en variété. Et, nous alignant sur ce secteur, nous mesurons le progrès social à la répartition de l'accès à ces produits.” Ivan IllichNous transformons le monde et notre seul projet est de continuer de transformer le monde.
Il est certain que dans un système fini, l’idée d’un développement à l’infini est, non pas seulement contradictoire, mais expéditive et illusoire. Comment préserver les ressources et maintenir le Progrès ?
Dans son dernier essai, Régis Debray nous livre une phrase étonnamment vraie :
“Ignorant que ce que nous détruisons nous détruit nous-mêmes, le locataire de la planète qui se prenait pour son propriétaire se retrouve en squatteur insolvable menacé d’expulsion”Il semble que la nature nous ait collé un problème que nous sommes incapables de résoudre ? Du moins si nous continuons à formuler cette question de cette manière.
Quel monde voulons-nous pour demain et comment y arriver ? Posée de cette manière, la question semble ouvrir de nouvelles possibilités de réponses et même de nouvelles perspectives.
Assistons-nous au balbutiement d’une nouvelle civilisation ? À quand les gens qui vont penser contre leurs cerveaux ?